Nous sommes en septembre 1986, et Meredith Weiss est à un tournant de sa vie. Programmeuse de talent, elle vient de boucler le développement d’Addit ’87 (un logiciel utilitaire), et se paye donc 15 jours de vacances pour souffler. Pas question de lézarder sous les tropiques, car la demoiselle a promis à son père d’aller le remplacer dans son job pendant ces deux semaines. Postier de la petite ville de Providence Oaks, le paternel est donc parti avec madame en Floride afin de goûter aux joies du rêve des retraités américains.

Meredith retourne donc dans la ville de son enfance, 22 ans après son départ, et forcément, si les lieux n’ont pas beaucoup changé, les gens sont forcément différents. La structure du jeu est assez simple. Chaque matin, Meredith monte dans son camion de l’US Postal, et doit accomplir sa tournée. Le véhicule est loin d’être un foudre de guerre (ok, c’est un tacot qui se traîne à mort), ce qui va obliger le joueur à se relaxer et à profiter du paysage. C’est d’ailleurs un des gros points forts du jeu, puisque la direction artistique est tout simplement sublime, tandis que l’environnement autour de Providence Oaks et de son lac vaut clairement le détour.

Postal Dude

Pour ne pas errer sans fin sur les berges du plan d’eau, une map avec des icônes explicites nous explique où se situent nos points de livraison, sachant qu’il faudra distribuer lettres et colis. Si les premières sont dans la besace de Meredith, il faudra aller fouiller dans le coffre de la camionnette afin de prendre le bon colis en fonction de l’adresse. Si le courrier n’apporte aucune interaction spécifique, les colis peuvent donner l’occasion de tomber sur d’anciennes connaissances lorsqu’on veut bien nous ouvrir la porte.

Meredith va donc tisser des liens avec ses anciens amis, et surtout avec les nouveaux habitants de Providence Oaks au cours de la journée. Une fois le taf terminé, on entre dans une phase purement narrative. Mademoiselle Weiss squatte la demeure parentale, et chaque soir, ces derniers appellent pour avoir des nouvelles. L’afterwork est aussi l’occasion de revoir des personnages, afin d’échanger avec eux, ou de prendre part à d’autres activités comme une sortie ciné, ou boire un coup au Dinner local.

Le choix du Roi

La puissance de Lake, c’est que tout est facultatif. Comme on vrai, on ne peut pas aimer tout le monde, et comme en vrai, il est tout à fait possible d’envoyer bouler quelqu’un qui nous soule. Rien ne nous oblige à supporter la mamie folle de ses chats, le pêcheur ermite ou encore le geek qui s’occupe de la réception du motel. Chacun est donc libre de ses interactions et de ses choix, et ici, rien ne porte vraiment à conséquence. Oui, le jeu offre bien quelques fins différentes, mais il n’y a pas de bonne ou de mauvaise fin, et personne ne nous met de pression pour faire un choix plutôt que l’autre. L’insouciance est totale.

Le système de dialogues à choix multiples a bien entendu des conséquences sur nos relations avec les gens, mais rien ne nous interdit d’être une tête de con, un gentil qui dit oui à tout, ou tout ce qui se trouve entre ces extrêmes. Certains personnages (Hommes et femmes) peuvent même développer des sentiments intimes pour peu qu’on les drague un peu. Le jeu offre aussi quelques quêtes annexes afin de nous distraire de la livraison du courrier qui s’avère finalement assez monotone. On pourra ainsi aider la gérante de la boutique de location de VHS à faire sa promo (la cassette vidéo est une technologie de pointe en 1986), prendre des photos (avec un jetable argentique ! Ah, ce bruit de molette en plastique lorsqu’on rembobine la pellicule) pour que la patronne du drugstore s’entraîne à faire marcher la machine à développer, ou encore emmener le chat de la vieille chez un véto. Là encore, rien n’est obligatoire, et on peut même parfois décider de laisser tomber la tâche en plein milieu. Bien sûr, chaque choix aura des répercussions auprès des personnes concernées.

Back to the past

Globalement, l’ensemble est très réaliste, et on découvrira même les petites querelles entre habitants, ce qui nous donne vraiment l’impression de participer à la vie d’une petite bourgade américaine. La période est également très bien retranscrite, avec des habitants qui nous prennent pour une geek venue du futur à cause de son emploi dans l’informatique, ou des gens qui découvrent la VHS. On retrouve d’ailleurs de jolies affiches parodiques chez la loueuse de vidéos, tandis qu’une sortie au cinéma nous permet de choisir entre plusieurs films dont Blue Velvet (de David Lynch, effectivement sorti en 1986). L’absence d’internet et de téléphones portables nous replonge également dans une époque où on s’informe via la TV, les journaux, et où les premiers répondeurs arrivent chez les particuliers. L’ambiance est d’ailleurs très bien soulignée par une BO hyper propre qui oscille entre country et folk, même si on aurait aimé quelques morceaux de plus vers la fin de l’aventure. Le voice-acting est lui aussi très bon, ce qui aurait été parfait si les animations faciales avaient été un peu plus raccord. Ces dernières sont assez limitées, et manquent singulièrement de synchronisation, à moins que ce ne soit un bug. Car oui, le jeu de Gamious souffre d’un sacré manque de polish.

Un chargement bien lourd

Un chargement (1 seconde) a lieu à chaque fois qu’on monte ou qu’on descend de notre camion, tandis que certaines commandes ne sont pas hyper précises. À plusieurs reprises, Meredith a refermé le coffre sans avoir pris de colis, ce qui nous oblige à refaire la manipulation. Mais le plus gênant, c’est sans conteste ce bug qui nous a transportés de l’autre côté de la map, en plein dialogue avec un bûcheron, alors qu’on tentait de monter dans notre véhicules stationné devant la poste. Pas grave allez-vous me dire, sauf que notre bahut n’a pas été téléporté avec nous, ce qui nous a obligés à une très longue marche pour aller le chercher. Dans cette logique contemplative, le studio a également limité la vitesse de Meredith, qui se déplace de fait à la vitesse d’un démineur portant un baril de nitroglycérine. Concrètement, on a donc eu pas loin de 20 minutes pour pouvoir profiter du paysage et des sous-bois de l’Oregon, mais sans aucune musique, cette dernière étant distillée par l’autoradio de notre camion. Bref, rien de rédhibitoire, surtout que le studio est un indé avec peu de staff, mais on vous conseillera tout de même d’attendre quelques patch avant d’explorer les alentours de Providence Oaks.